Khmers Verts
Une expression est de plus en plus à la mode en ces temps de « croissance verte », de « Grenelle », de « Grenello-compatible », même, c’est celle, puissamment violente, de « Khmer verts ».
Tout ceux qui ont moins de trente ans risquent de ne pas connaître. Alors un petit peu d’histoire pour les mettre à la page.
Vous connaissez Angkor, au Cambodge ? C’est un site magnifique, constitué de temples, d’édifices civils et d’un magnifique réseau hydraulique creusé de main d’homme, qui fut édifié au Moyen Age par les Khmers, le peuple qui est majoritaire au Cambodge. Si vous avez un jour la chance d’aller là bas (je me suis contenté de photos pour cet article) , vous verrez le degré de raffinement et de technologie qu’a atteint cette civilisation et, en général, l’empire Khmer, qui a disparu, me semble t-il, au XVème siècle.
Plus de 500 ans plus tard, une dictature d’obédience communiste s’installa au Cambodge, en 1975 pour être précis. Elle était dirigée par les Khmers dits « rouges » en référence au drapeau communiste, mais aussi peut-être à cause du sang qu’ils ont versé. Cette page sombre de l’histoire du Cambodge se traduisit par des millions de déportations (les citadins furent contraints, au nom de l’idéologie, de quitter les villes et de cultiver la terre à la campagne, afin de détruire l’idée même de ville, contre-révolutionnaire par nature) et de meurtres (en particulier les intellectuels, exterminés, mais aussi tous les réfractaires au régime et ceux qui sont morts de privations).
Le pays se couvrit de fosses communes, tout cela sous la férule du tyrannique Pol Pot, pour le compte d’une idéologie extrémiste, et raccrochée au mythe de la campagne par opposition à la ville.
C’est cette dichotomie, cette opposition entre nature et anthropisation, couplée à un aveuglement idéologique qui fait parler à certains de Khmers Verts, en parlant d’écologistes radicaux, et parfois extrêmes dans leurs actions.
Parfois, la violence est utilisée pour faire valoir les thèses écologistes, comme d’autres perpétuent des attentats. La violence est en soi condamnable, surtout lorsqu’il y a d’autres moyens de parvenir à ses fins. Mais le terme de « Khmer vert » (KV), qui désignait à l’origine (c’est à dire il n’y a pas si longtemps) les extrémistes écolo, est étendu par certains esprits à tous les écolos, qui ont tous la mauvaise idée de leur pomper l’air avec leurs préceptes culpabilisants.
Par exemple, si je ne vais pas crever les pneus des 4x4 que je croise dans la rue (parce que certains 4x4 polluent certainement moins que ma Twingo de 11 ans et parce que c’est dangereux), je pourrais être qualifié de KV par mon voisin ou mes collègues pour mes petites « manies » écolos.
Ainsi, celui qui se soucie comme d’une guigne de l’environnement (SON environnement) et de l’écologie, trouvera de toute manière extrémiste celui qui veille à éteindre les lumières, à consommer bio, à troquer sa voiture contre un vélo… Il le regardera avec un petit sourire en coin en se disant : ‘T’as l’air bien con, toi, de te soumettre à la dictature écolo… »
Et la dictature de la pub, de la consommation à outrance, tu n’y es pas soumis ? Bref…
Mais il y a écolo et écolos. L’autre jour, j’ai vu un type qui a engueulé une petite fille qui cueillait des fleurs dans un par cet sur un arbre. Il l’a vraiment engueulée !
Qu’est ce qu’elle faisait la petite fille ? Elle cueillait juste un petit bouquet pour sa maman. N’est ce pas joli ? C’est quoi, l’écologie ? Est-ce mettre la nature sous cloche ? Ou bien est-ce entretenir avec elle des liens de respect ? En quoi la cueillette de quelques fleurs pour la confection d’un bouquet était t-elle répréhensible, surtout de la part d’une fillette de 4 ans ? En faisant cela, elle montrait au contraire sa sensibilité à la beauté de la nature. Libre à la maman ensuite de lui montrer son ravissement et de lui dire qu’on ne pouvait pas toujours cueillir comme cela les fleurs !
Pourquoi l’engueuler, cette pauvre petite ? Alors qu’il y a bien d’autres comportements autrement plus dégradants et irrespectueux, comme saccager les plantes du dit parc (pour s’amuser, pas pour faire un bouquet), entailler au canif sur tout le tour du tronc l’écorce d’un arbre (le meilleur moyen pour le tuer), jeter des déchets par terre… La maman a bien fait comprendre au type qu’il valait mieux qu’il déguerpisse et qu’il s’en prennent surtout aux crétins qui eux détruisent l’harmonie du parc.
Comme tout, l’écologie est un équilibre à trouver. Je ne pense pas que les agissements extrêmes des écolos radicaux aident vraiment la cause environnementale. Ils servent juste à conforter l’opinion de ceux qui ne font rien ou pas grand chose pour changer leurs habitudes que l’écologie est affaire de tarés et de frustrés, de gens qui ne savent pas s’amuser. Or, l’époque est à l’amusement pour « oublier la crise » (que l’on a nous même déclenchée dans notre soif de consommation et de crédit !)
. La pédagogie et l’exemple ont un impact beaucoup plus fort, comme le disait en son temps François de la Rochefoucauld. Et on peut être écolo et heureux de vivre, alors que trop souvent l’écolo coltine cette image que j’ai décrite.
Non, il a peut-être compris que le détachement de certains bien matériels était une manière d’être plus libre. Il est plus sûr de lui, de ses valeurs. Et quand on est vraiment sûr de soi, on est posé et calme, serein. Et on n’éprouve pas le besoin de recourir à la violence.
Un véritable écolo est un être de paix. Tout l’inverse d’un khmer vert. Tout comme un vrai croyant est tout sauf intégriste.